Au maquis de Barrême. Souvenirs en vrac, par Oxent Miesseroff

O. Miesseroff - Au Maquis de Barrême

ISBN 2-9523819-2-5, 13 x 16 cm, 164 p., 9 euros


« Lors de la réunion du trentième anniversaire de notre maquis vous m’avez demandé d’écrire son histoire. J’ai dit « oui » mais maintenant, le stylo en main, je suis perplexe. Ne se bombarde pas historien qui veut. Un véritable historien doit pouvoir manipuler à la perfection l’art du bidonus. Bidonus est un mot latin qui, traduit littéralement, signifie « art de mettre la pureté, la beauté et l’héroïsme dans des choses qui en ont moins ». Mot qu’il ne faut en aucun cas confondre avec « bidon », terme vulgaire à sens péjoratif. »

C’est donc un récit sans « bidonus » que l’auteur nous propose ici. Avec humilité et humour, il nous livre ses souvenirs du maquis Fort-de-France, dans les Alpes-de-Haute-Provence, dans lequel il combattit sous le pseudonyme de Matteï. Ici, pas de héros infaillibles, pas de soldats sans peur et sans reproche, mais des hommes, tout simplement, avec leur courage, leurs faiblesses, leurs erreurs. Et finalement, bien mieux que ne le ferait une étude normalisée, ce livre rend parfaitement compte du quotidien du maquis, de son ambiance, et du travail quelque peu aveugle du guérillero, entre obéissance aux ordres et improvisation nécessaire.

« Le lendemain de cette première bataille, chacun de nous fêtait la victoire sur lui-même, car qu’est-ce qu’un héros sinon celui qui sait serrer les fesses mieux que les autres ? L’embuscade aurait fait trente-sept morts. Ce chiffre est probablement exact. Il n’y a pas d’inconvénient à l’augmenter un peu mais il faut se souvenir que, quand la mortalité des troupes allemandes dépasse cent pour cent, le lecteur commence à tiquer.

Après la Libération le bruit de la fusillade a été remplacé par un bruit encore plus grand : celui de l’opérette, de la grosse farce et de l’imposture qui enveloppa les faits de la Résistance… Si tu nous laisses tomber, que deviendra notre épopée ? »

Russe d’origine arménienne et tatare, Oxent Miesseroff est né à Moscou en 1907. À l’âge de 17 ans, il quitte la Russie pour poursuivre ses études en Europe de l’Ouest, à Liège puis à Grenoble. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Oxent Miesseroff hésite un temps, pensant d’abord comme beaucoup d’émigrés russes que l’Allemagne pourrait libérer la Russie du joug stalinien. Puis il se range du côté de la Résistance et intègre le maquis au début de 1943. Après la guerre, il s’installe à Marseille où il rencontre sa compagne, Génia. Ils montent ensemble en 1946 un club naturiste, et s’engagent dans différents combats en faveur de l’avortement, de la contraception et de la liberté sexuelle. Ils accueilleront ainsi nombre de naturistes dans la région marseillaise jusqu’en 1990. Libertaire, anticonformiste et éternel opposant à l’ordre établi et à la bien-pensance, Oxent Miesseroff mourut peu de temps après, en 1992.

 

Ce qu’en dit la presse

Gavroche.info (octobre 2006)

« Voici un bien beau récit qui se lit d’une traite, et avec quel plaisir ! Loin de magnifier ou de figer la réalité historique dans une posture glorieuse chargée d’édifier les générations futures qui, nous dit Oxent Miesseroff (1907-1992), relève de l’art du bidonus (mot latin qui signifie art de mettre la pureté, la beauté et l’héroïsme dans des choses qui en ont moins), il replace la « belle histoire du maquis Fort-de-France » dans sa réalité. Et ce qui domine, à sa lecture, c’est en effet avant tout un sentiment de proximité avec son auteur, sa gouaille, son audace et sa modestie. De la même veine que le récit d’Antoine Gimenez (Les fils de la nuit), il participe lui aussi d’une parole qu’il serait grand temps de réapprendre à écouter pour avoir enfin avec l’histoire une proximité qui puisse nous aider à comprendre la réalité au sein de laquelle évoluèrent les acteurs et surtout les circonstances dans lesquelles ils furent conduits à agir. On est loin de l’idéalisation ou de l’épopée, on est dans la proximité et le paradoxe, l’insoutenable et la folie, un univers où la chance et l’initiative individuelle portent la marque de tempéraments peu conformes aux canons habituels de la norme des sociétés militaires ou bourgeoises. L’idée de résistance devenait chevaleresque ou ignoble selon les gens qui l’incarnaient, précise l’auteur. »