Égrégores ou la vie des civilisations, par Pierre Mabille

P. Mabille - Egrégores ou la vie des civilisationsISBN 2-9523819-1-7, 15 x 20 cm, 192 p., 13 euros


« J’appelle égrégore, mot utilisé jadis par les hermétistes, le groupe humain doté d’une personnalité différente de celle des individus qui le forment. Bien que les études sur ce sujet aient été toujours ou confuses, ou tenues secrètes, je crois possible de connaître les circonstances nécessaires à leur formation. J’indique aussitôt que la condition indispensable, quoique insuffisante, réside dans un choc émotif puissant […] L’égrégore le plus simple se crée entre un homme et une femme. » L’égrégore est donc ce tout qui dépasse l’ensemble de ses parties, ce rassemblement d’individus qui donne naissance à une entité nouvelle et autonome. Et les civilisations, selon Pierre Mabille, sont précisément des égrégores : elles sont même les plus vastes et les plus durables. Mais pour « que l’entité dure, l’élan émotif nécessaire doit rencontrer des conditions favorables. Lieux géographiques, circonstances ethniques, nécessités économiques viennent compléter le fait passionnel. Pas plus que l’anatomie, la physiologie, le roman psychologique pris isolément n’épuisent la réalité de l’homme, les analyses sociologiques partielles ne sont satisfaisantes. Décrire l’importance des rapports économiques complexes ou la valeur des mobiles sentimentaux sont besognes nécessaires, mais plus indispensable encore est la perception de l’unité vivante que constitue le groupe social. »

Dans cet ouvrage paru en 1938, Pierre Mabille nous invite à une étude singulière des civilisations perçues comme des entités vivantes. S’intéressant plus particulièrement à la nôtre, la civilisation chrétienne, il en diagnostique la fin et s’efforce de déceler les germes qui donneront naissance à celle qui lui succédera. À cet égard, il perçoit la guerre d’Espagne, et notamment le fait des Brigades internationales, comme un « événement sensationnel qui servira de test pour apprécier les composantes diverses de la réalité collective d’aujourd’hui et de demain. […] La valeur unique du débat espagnol vient du fait qu’il se présente avec une netteté presque symbolique. La lutte d’un peuple dépourvu jusqu’alors de toutes connaissances et de toutes techniques modernes, n’ayant de force que sa révolte et sa conscience contre l’union de toutes les Internationales d’oppression, de toutes les puissances européennes et mondiales (christianisme, capitalisme, pseudo-démocraties libérales) revêt un aspect homérique où l’on sent la naissance d’un mythe. »

Né en 1904 et mort en 1952, Pierre Mabille fut médecin, anthropologue et écrivain. Proche d’André Breton, il participa au mouvement surréaliste, en s’intéressant particulièrement à l’imaginaire et à l’hermétisme.